Présentation
L’essentiel de la réflexion de Stella Baruk sur les mathématiques est fondée sur une attention particulière donnée au sens et à la portée des mots. L’exercice inattendu qu’elle a proposé à des écrivains – choisir un mot de la langue mathématique, en livrer leur propre définition en s’autorisant toutes les libertés – n’est don c pas innocent. « Drôles, émouvants, revendicatifs, poétiques, ou cocasses, dit-elle, ces textes ont la grâce de l’oblique, l’étrange destin de l’impair, la poésie insoupçonnée du neutre, l’insolence têtue d’une borne ; Archimède est là, Pythagore aussi, en tenue de théorème … Tous ces mots, êtres vivants, je souhaite, si vous les rencontrez, qu’ils vous distraient, vous amusent ou vous touchent, comme ils l’ont fait pour moi. »
Langue maternelle ou littéraire et langue de savoir sont-elles amies ou ennemies ? C’est la question qui, en définitive, est posée par Stella Baruk et à laquelle chacun des auteurs a donné une réponse qui ne manque jamais de saveur.
Stella Baruk
Elle partage son temps entre la recherche en pédagogie et l’enseignement, de la « rééducation » des élèves dits « en difficulté » jusqu’à la formation des maîtres qui luttent contre l’échec scolaire. Elle a notamment publié au Seuil Échec et maths,L'Âge du capitaine, Nombres à compter et à raconter, et, pour les collégiens et même avant, Le Dico des mathématiques.
Note de lecture Tangente
Les mathématiques ont emprunté des mots à la langue. Puis elles les lui ont rendus, mais les mots n’étaient plus tout à fait les mêmes. Les mathématiques se les étaient appropriés. Était-ce malhonnêteté ? Stella Baruk a voulu que la langue prenne sa revanche. Elle a donc proposé à des écrivains de laisser aller leur imagination pour donner une définition, à la façon d’un dictionnaire, à certains de ces mots, qui permette à la langue de se les réapproprier.
Tous ceux qui aiment le jeu seront séduits par l’exercice de style. D’autant qu’à vouloir jouer avec les mots, on laisse parfois les mots se jouer de soi. Que j’ai appris de choses sur les écrivains, pas spécialement férus de mathé- matiques, qui se sont courageusement prêtés au jeu ! En bien et en mal... Car un bretteur en mots reste souvent à découvert...
Dans le style facétieux, l’Oulipien Paul Fournel redécouvre l’origine du mot « aléatoire », à propos d’une promenade en calèche imprévisible vers le village de Thouars (aller à Thouars), ou assimile avec drôlerie le mot « bicarré » à l’un de ses faux amis en citant Marcel Bénabou (« On vit alors sortir de Rome une foule bicarrée latine... »). La facétie de Viviane Forrester sur le mot « zéro » (rien après le titre) est un peu facile, et serait plus convaincante sur la définition du mot « vide ».
Dans le style poétique, on est séduit par Marie Desplechin, scandalisée par la vie dissolue de l’abscisse, cruelle maîtresse de l’ordonnée, qui n’a de cesse de rencontrer une nouvelle ordonnée, plus jeune, plus belle, après avoir enfanté un point avec la première. La même Marie Desplechin, qui s’est visiblement prise au jeu, remarque que Machin, élève borné, se voit souvent reprocher de dépasser les bornes...
Bien sûr, tout le monde n’a pas son talent, et certains écrivains ne ressortent pas grandis de l’expérience, mais c’est une occasion pour le lecteur de se demander ce qu’il aurait fait à leur place ! On se prend aussi à inventer des entrées qui ne figurent pas, et même à apprendre : j’ai découvert ce qu’est le degré d’ambiguïté d’un théorème, j’ai adoré l’histoire de Jean Giono et de la cardioïde... Bref, j’ai passé de bons moments, que je me suis distillés par petites lampées, en ouvrant le livre à une page... aléatoire !
Marque éditoriale : SEUIL
Histoire des sciences
Public visé : Tout public
Texte en français